Prophétie, fonction prophétique et témoignage prophétique

Abstract

Ce texte examine l’hypothèse d’une fonction prophétique – spirituelle ou temporelle –, définie par ses fonctions d’annonce et de mise en garde ancrées dans une vérité, annonçant comme certaine, en dépit de son caractère inouï ou de sa forme obscure, cryptée, la survenue imminente (ou déjà amorcée) d’un évènement qui fait sens, non seulement parce qu’il est extraordinaire, mais encore parce qu’il pose d’emblée la question de l’action en vue de la survie individuelle et collective. En première analyse, la prophétie est différente du témoignage par ses procédures de certification, la nature immanente ou historique de la vérité. Cependant ces différences ne gagnent rien à être durcies, sous l’angle des actes de discours ainsi que du caractère d’obligation qui s’impose au prophète comme au témoin et à la communauté à laquelle ils s’adressent. Les rapprochements sont encore plus patents lorsque les évènements rapportés sont inouïs. L’article expose ensuite la difficulté de faire entendre des témoignages prophétiques relatifs à l’univers concentrationnaire en contrastant deux tentatives différentes de surmonter la contradiction. Si Primo Levi se voit contraint de crypter poétiquement certains témoignages, Geneviève de Gaulle Anthonioz, partage son témoignage par une démarche empathique qui reconstruit le cheminement de sa compréhension du phénomène concentrationnaire, dans l’espoir que cette ré-expérienciation imaginaire permettra aux destinataires de répondre à l’appel des témoins.